« C’est pour l’option arts plastiques que tu viens ? »… Voilà, le genre de question de je ressasse sans cesse aux journées portes ouvertes du bahut. Les gamines (majorité de filles) me répondent indistinctement : « Oui, j’aime dessiner des chevaux ! ». D’une part, je comprends rien à leurs intentions de fin de collégiennes car l’appareil dentaire mâche un mot sur deux et d’autre part elles regardent le sol, comme si elles attendaient un séisme.
Comment être sincère, professionnelle, et neutre dans ce cas là ? Notre fonction et surtout notre devoir envers l’établissement nous obligent à répondre une phrase bateau et motivante pour l’élève. Mais franchement, au fond de notre âme d’enseignant, on se dit tout bas : « mais non, tu n’iras pas en arts plastiques ! Les chevaux, c’est pourri comme dessins ! Et t’as vu ta gueule ? Tu crois aller où comme ça ??!! ». Bien sûr, je prends sur moi et au moment où le regard de la naïve maman croise le mien, j’explique calmement : « alors, c’est une option où la motivation et l’investissement sont importants, il faut que tu le saches. Ne choisit pas cette matière seulement dans le but d’augmenter tes résultats au bac. ».
Par chance, mon collègue de table s’en va boire un café, je rectifie mon tire et interroge la gamine une deuxième fois : « Connais tu l’immatérialité des formes ? Les œuvres in situ te disent quelque chose ? Le détournement iconographique, sorte de démystification, sera au programme, te sens tu prêtes à l’étudier ? ». Et là, je vois la lèvre inférieure trembler, l’œil sauter et j’assiste à l’effondrement d’une future lycéenne. La mère, qui jusque là était attentive, fait semblant de ne pas avoir entendu et cherche à tout prix, un autre regard que le mien. Bon, j’avoue, ce n’est pas sympa de ma part de vomir mon jargon artistique devant deux victimes de l’éducation. Mais, honnêtement, vous auriez vu la gamine aux grands yeux vous n’auriez même pas ouvert les portes du lycée. Et le pire dans tout ça, c’est qu’elle m’a montré ses dessins. Comment rester stoïque devant ces gribouillis niaiseux et laxatifs ? Comment lui dire calmement qu’elle n’est pas faîte pour l’option et encore moins pour l’art ? Quels sont les mots diplômâtes et justes à ce moment là sous l’œil assassin de la mère ?
Soudain, mon cœur me rappelle à l’ordre, mon collègue revient de sa pause café et je dis à la fille en signe d’au revoir : « à l’année prochaine, alors ! ».
jeudi 20 décembre 2007
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